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Guerre en Ukraine : les enquêteurs de Kiev veulent « prouver le génocide »

Déterminés à prouver au monde l’ampleur des crimes commis en Ukraine par l’armée russe, les enquêteurs ukrainiens avancent patiemment, méthodiquement. Submergés par 100 000 dossiers ouverts pour 40 000 scènes de crimes recensées, du vol de bicyclette aux pires exécutions, tortures et viols – la loi ukrainienne ne permettant pas d’écarter a priori un délit aussi bénin soit-il –, les services de police de Kiev tentent de distinguer des types de crimes qui se seraient répétés soit sur ordre de Moscou, soit au passage de certaines unités. Avec une obsession, explique la colonelle Khrystyna Podyriako : « Prouver le génocide. »
Deux colonels de la police pilotent, en coopération avec le bureau du procureur général et les services secrets, ces enquêtes tentaculaires. Dépendant du ministère de l’intérieur, placé sous les ordres du chef des enquêtes de la police nationale, le jeune général Maksym Tsoutskiridze, les deux officiers commandent chacun un département distinct : au colonel Oleksandr Shapovalov, le service « Documenter les crimes de guerre », et à la colonelle Khrystyna Podyriako, le service « Enquêter sur les crimes de guerre ».
Rencontré à Boutcha en novembre, où la police a installé un poste avancé vu l’ampleur des crimes commis dans la commune durant la bataille de Kiev, en mars 2022, le colonel Shapovalov dévoile ce qu’il appelle sa « Road Map », sa « feuille de route », un logiciel extrêmement sophistiqué recoupant des millions d’informations sur les crimes et délits, sur les victimes et témoins et sur les criminels et suspects.
Pour la région de Boutcha, il a ainsi répertorié les 3 482 dossiers criminels ouverts, les 536 civils tués ou disparus et les 501 corps retrouvés à ce jour. Les enquêteurs travaillent actuellement sur trente-deux de ces corps, afin de comprendre précisément ce qui est arrivé aux victimes. Ils enquêtent aussi sur une crèche qui fut le lieu de détention d’environ 500 civils. Et ils ont encore, cet automne, découvert une nouvelle affaire de viol dans cette région. La femme n’avait jamais témoigné auparavant. Grâce à des recoupements, le violeur a déjà été identifié.
Au niveau national, « Road Map » constitue une base de données incroyablement détaillée des crimes et des suspects potentiels : 230 000 soldats russes y figurent, avec leur chaîne de commandement, le mouvement de leurs unités, les bases où ils ont été stationnés et, bien sûr, les éventuels crimes dont certains sont suspectés. Les interrogatoires d’environ 2 000 prisonniers de guerre russes, dont certains sont déjà rentrés chez eux dans le cadre d’échanges entre les deux pays, y sont aussi consignés.
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